Pêche et changement climatique : quel futur pour les captures halieutiques en Méditerranée ?
Nous savions déjà que l’aire de répartition géographique des espèces exploitées allait être modifiée dans le futur à cause du réchauffement climatique, engendrant une redistribution des stocks halieutiques dans les mers et les océans. Mais quelle sera l’ampleur des changements attendus au niveau des captures potentielles ? Est-ce que toutes les régions seront autant touchées ou bien est-ce qu’il y aura des gagnants et des perdants ? Ces modifications vont-elles affecter de la même façon les différents engins de pêche ?
Des chercheurs de l’Université Côte d’Azur (UMR ECOSEAS), du Centre Scientifique de Monaco, du Laboratoire d’Océanographie de Villefranche et du Genoa Marine Center (Station Zoologique Anton Dohrn) se sont regroupés pour se pencher sur ces questions. Pour cela, ils ont modélisé, projeté et cartographié les changements attendus des captures halieutiques potentielles de différents engins de pêche, selon deux scénarios climatiques, tout au long du 21ème siècle. Pour la première fois, les scientifiques se sont focalisés sur la zone européenne et ont travaillés à l’échelle des Zones Economiques Exclusives (ZEE), afin de fournir des projections détaillées qui serviront à améliorer la gestion des pêcheries et à élaborer des stratégies d'atténuation et d'adaptation au changement climatique pour ce secteur. Les résultats de cette étude viennent d’être publiés dans la revue Science of the Total Environment1.
Les projections indiquent une évolution différente des captures en fonction des engins de pêche. En Méditerranée, les baisses projetées vont de −20 à −75% pour les captures au chalut pélagique et à la senne, de −50 à −75% pour les filets fixes et les casiers et dépassent −75% pour le chalut de fond. Certaines espèces emblématiques, comme le loup et la dorade royale pourraient voir leurs captures diminuer de 40 %, en moyenne sur l’ensemble de la Méditerranée.
Géographiquement, des divergences devraient apparaître et certains pays pourraient voir leurs captures diminuer significativement alors qu’il est probable que d’autres les voient augmenter. On peut notamment citer les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, qui seront les plus touchés. Au contraire, les captures devraient, elles, augmenter en mer du Nord et dans l’Atlantique Nord-Est pour les espèces étudiées.
Limiter le réchauffement climatique à des valeurs intermédiaires (scénario de réchauffement modéré RCP4.5) pourrait limiter la diminution des captures halieutiques en Méditerranée d’en moyenne 22% par rapport à un réchauffement intense (RCP8.5). Ces résultats soulignent donc la nécessité de limiter le réchauffement climatique et d’élaborer des stratégies d'adaptation au changement climatique pour le secteur de la pêche.
Figure 1. Changements attendus (exprimés en % par rapport aux valeurs actuelles) dans les captures halieutiques potentielles de différents engins de pêche, avec le scénario climatique RCP8.5, pour la fin du siècle (2090-2099). Modifié d’après Ben Lamine et al., 2023.
1 Référence de l’article
Ben Lamine, E., Schickele, A., Guidetti, P., Allemand, D., Hilmi, N., Raybaud, V., 2023. Redistribution of fisheries catch potential in Mediterranean and North European waters under climate change scenarios. Science of The Total Environment 879, 163055.
https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2023.163055
Financement
Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet CLIM-ECO², financé par la Fondation Prince Albert II de Monaco.
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Virginie RAYBAUD This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.